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revue Place Publique#45

Article édité dans la revue Place publique du mois de mai-juin 14,
au sein d’un dossier « le numérique à Nantes : espoir et illusions »

14placepublique
Cécile Thomas
« la fracture numérique c’est d’abord une fracture sociale »

Apprendre à remplir sa déclaration d’impôt en ligne. A retoucher des photos. A tirer tout le bénéfice de son téléphone portable. A créer un tableau ou des graphiques. A faire des recherches sur Internet…

L’association Médiagraph est à la disposition de tous, parfaits débutants ou pratiquants déjà chevronnés, pour manipuler les outils numériques à des fins personnelles, associatives ou professionnelles.

Nous sommes à la fin du siècle dernier. Cécile Thomas, graphiste passée par les Beaux Arts où elle a étudiée le design, se forme à l’Internet et se dit qu’après tout elle ne doit pas être la seule à ressentir le besoin d’un tel apprentissage. D’où la création en 1997, de Médiagraph, une association d’économie sociale et solidaire, soucieuse de ne pas laisser sur le bord du chemin les populations les plus éloignées du numérique par leur âge ou leurs manque de formation.

De la courte séance d’une demie-heure, de la simple prise en main d’une tablette ou d’un smartphone au stage professionnalisant d’une vingtaine d’heures, la gamme des formations est étendue. Celles des publics aussi : 68 % de femmes, 62 % de plus de 60 ans, des membres du Conseil de développement de Nantes Métropole, des jeunes femmes d’une entreprise d’insertion, des bénévoles peu à l’aise avec l’ordinateur de leur association… « Nous sommes la voiture balai de l’apprentissage », résume Cécile Thomas. « Chez nous on a le droit de poser des questions idiotes. »

Avec le recul, Médiagraph jette un regard aigu sur la fracture numérique. Se réduit-elle à mesure que les ménages s ‘équipent ? « Pas tant que cela, répond Cécile Thomas, parce que chaque innovation pose de nouvelles questions à de nouveaux publics. Les fabricants de portables devraient nous subventionner ! Certes moins de gens nous demandent à quoi sert Internet, mais ils nous interrogent : « moi, concrètement quel bénéfice vais-je en tirer ? » »

La fracture numérique passe t-elle entre ceux qui sont nés dans le bain du numérique et les retraités ? « Ce n’est pas si simple, assure Cécile Thomas. Tous les enfants sont loin d’être égaux devant le numérique. Des enfants qui sont passé entre les gouttes de l’école, mal à l’aise avec la lecture et l’écriture, auront évidemment du mal à faire des recherches sur l’internet. La fracture numérique est d’abord sociale, bien avant d’être générationnelle ».

Thierry Guibet
Place Publique#45
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